Le pragmatique romantique

Ou l'inverse.

2005/06/08

 

Histoire érotique sous réverbère

Dans le cadre du collectif. J'aime ça pas à peu près comme défi!

Elle m'a sourit. Encore. De son grand sourire chapeauté de ses yeux brillants, son nez petit en trompette claironnant la joie de ses boucles brunes sur ses épaules au soleil.

C'est le dernier jour d'école. Dernier jour du primaire, dernier jour d'une époque. Ça sent l'été, la pêche, le vélo, le soccer, le skateboard, les vacances! Pour la première fois de ma vie, l'été sent aussi les filles. Parfum de muguet, de lilas, de fous rires, d'incertitude et de curiosité. Chaleur, sueur, odeurs, saveurs. Le soleil inonde la vie, le futur m'appartient. Journée toute importante en elle-même, charnière pas encore assumée, les tournants semblent toujours droits si on s'arrête à un point précis. Ce n'est qu'avec un regard rétrospectif qu'on comprend ces moments forts et définitifs. Définitifs comme définitions, comme destins, comme marquants. Alors c'était un de ces jours. Un comme ça. Un jour J.

Si vous n'avez pas compris, ne blâmez pas l'auteur. Il s'efforce sans farce à farcir ses phrases de fruits mûrs. S'il en rajoute ça va pourrir. Vous me suivez? On continue...

Non seulement elle m'avait sourit de nouveau et tout ça, mais elle avait répondu au petit bout de papier que j'avais donné à mon meilleur ami qui l'avait donné à sa meilleure amie qui lui avait donné. Il avait sûrement passé quelques heures dans la poche de son jeans parce qu'il m'était revenu froissé, mais c'est peut-être aussi parce qu'elle l'avait redonné à sa meilleure amie qui l'avait donné à mon meilleur ami qui me l'avait donné. Ça froisse probablement le papier un tel parcours. L'idée que ce papier a peut-être été collé contre une de ses fesses me fait frémir. Une fesse de fille. Ça doit tellement être doux! J'en reviens pas du tout que je sois en train de penser à ça. Et ses hanches. L'année dernière elle n'en avait pas. Cette année, quelle différence. Moi je ne pense pas que j'ai trop changé, pas encore. Ça viendra. Ça importe peu aujourd'hui, parce que sur son petit papier, sur *notre* petite papier, elle avait coché "oui". ELLE AVAIT COCHÉ OUI! J'avais investi tout mon courage dans cette petite missive, et la mission était accomplie. En partie. Mon coeur emballé battait la chamade sur le xylophone des mes côtes. ELLE AVAIT DIT OUI!

Ce soir. Au parc Vincent. Au parc situé exactement entre sa maison et la mienne. Au parc où j'ai appris que je n'étais pas bon au baseball. Au parc ou j'ai appris la semaine dernière qu'elle me trouvait drôle. À cet âge, les garçons sont contents d'être drôles. Les filles ne disent pas encore qu'ils sont beaux. Peut-être à leur meilleure amie, mais pas aux garçons en tout cas. Et Danielle m'avait dit qu'Isabelle* me trouvait drôle et intelligent. Ça m'avait vraiment fait plaisir ça. Intelligent. Tant mieux, parce que c'est pas moi qui aurait prétendu être fort. Toujours pigé dernier au ballon chasseur.

Mais c'est pas grave, j'était ami avec Duquette, je l'aidais à faire ses devoirs, j'avais même été au bureau de la directrice parce que je lui soufflais les réponses au dernier examen d'anglais. Duquette c'était un toffe. Il avait redoublé sa sixième. Son père était un con, pas à peu près. Je pense qu'il le battait. En tout cas il l'engueulait pas à peu près. Ça faisait un petit Duquette à la carapace très dure. Le seul à avoir des vrais biceps en sixième année. Et de si grandes cicatrices sur son estime de soi, cachées derrière son arrogance. Je sais que ce n'est à propos de lui cette histoire, c'est à propos d'elle et moi mais je trouvais que c'était important comme aparté. Que ça apportait une information complémentaire permettant de saisir mieux l'époque.

Quand un auteur sabote une fin de paragraphe de la sorte, quand il se justifie de ses choix, ça va mal... On continue avant que ça empire.

Avec Hugo, en marchant vers la maison, le long de la rivière que chantait Beau Dommage (jadis, parce que maintenant l'eau au bout du quai personne n'aurait idée d'y avoir les pieds pendants, l'eau est brune!), j'étais d'une volubilité extrême. Aucune chance d'aller à la pêche donc. J'avais fait fuir tous les poissons. Il ne me croyait pas. L'incrédule de faux-frère! Certainement que j'aurais l'occasion de donner mon premier baiser ce soir! Un vrai là, avec la langue sortie. J'en avais des frissons partout. Le peu de poils que j'avais sur le bras étaient hérissés. J'avais cet étrange serrement de ventre, ma nuque était dressée, électrique. Il m'a laissé sur le pas de ma porte sachant qu'il ne tirerait rien de bon de moi cet après-midi. J'étais ailleurs. Au paradis. Couché ensuite sur mon lit, les yeux fermés, je repensais à tous les détails de celle qui serait mienne, de celle qui faisait titiller mes antennes depuis plusieurs années. Elle était toute faite pour moi. Depuis la deuxième année qu'elle et moi nous nous affrontions dans les concours de math, toujours les deux finalistes. Face à face. Elle était forte. D'une classe à part. Brillante. Jolie. Pétillante. Jolie. Souriante. Jolie. Souper! Déjà? J'arrive. Je n'ai jamais si peu mangé. Ventre noué. L'heure approchait. Le moment tant attendu. L'instant. Le now.

Ta yeule l'auteur, quand tu t'étends trop, ça aminci le tout. Ok. On continue.

Je me suis rendu plus tôt que prévu, question de ne pas être en retard. C'était sous le réverbère vert, le seul du parc, entre les deux bancs remplis de graffitis de pascale was here et de mario rules et de véronique aime matthieu et de de grossièretés autres, numéro de téléphone à l'appui. Ça sentait la gazon fraîchement coupé. Les cigales me chantaient un opéra à la John Williams. Ma princesse Léa. Moi le héros. Sous le réverbère des rebelles galactiques. Ma tête allait à 200 milles années lumières à la seconde. Je voyais comme des lasers de chaque côté de mon champs de vision. Mon corps s'éveillait et des sensations nouvelles m'habitaient. Et je ne l'avais pas encore embrassée! Je pensait à son cou. À ses épaules. À ses cheveux. À son odeur. À ses mains. Après, je pourrais lui donner la main. On se promènerait toute la soirée dans le parc. On s'embrasserait encore. Encore. Encore. Elle aurait les yeux brillants. Reflétants les miens. Si je me pressais contre elle lorsque je l'embrassais, je pourrais peut-être même sentir ses seins frôler mon torse. Peut-être. Faut pas exagérer quand même. Ce n'est pas un rêve là, c'est la réalité!

L'auteur se demande si vous vous doutez que ça va mal finir cette histoire là? Vous êtes prévenus. Si jamais vous étiez aussi naïf que notre jeune protagoniste, en chinois on dit "the end of innocence". Ça fesse fort en général. Mais c'est nécessaire.

En arrivant sur la colline, qui cachait les bancs et le réverbère, raison non négligeable du choix de l'endroit pour un premier baiser, pour de premières sensations érotiques de pré-ado, pour comprendre ce que c'était de sentir un corps contre le sien. L'amour simple, avant que ça devienne compliqué (ça viendra assez vite). Tous les espoirs permis (pas encore déceptions, ça viendra assez vite). Pas encore de sexe (ça viendra trop vite, surtout la première fois, mais c'est une autre histoire). Du frisson d'idéal. De l'intensité pure.

De la déception comme une douche glacée. Pire, tomber dans la rivière en hiver! Pire être pris sous la glace!

Duquette. Tabarnak! Qu'est-ce qu'il fait là! Et Isabelle est là aussi. Merde! Il est beaucoup trop près d'elle! Je fais quoi là! Non! NON! NOOOOON!

Toute la journée Isabelle s'était préparée à donner son premier baiser sous le réverbère. Elle en avait eu mal au ventre. Elle en avait trépigné. Elle en avait eu l'entre jambe curieusement stimulé. À sa grande surprise, ce n'est pas celui qu'elle attendait qui était sous le réverbère. Ça importait peu, elle était prête pour le grand plongeon. Le grand Duquette. Celui avec des biceps et quelques poils au menton. Pas le petit freluquet à lunette là. C'était encore mieux qu'elle s'était imaginée. Ce n'était pas la première fois qu'il embrassait une fille, c'est certain. En reprenant son souffle, elle crut apercevoir une silhouette sur la colline, là-bas dans la pénombre.

* Note de l'auteur : j'ai connu/aimé tellement d'isabelles que ça pourrait être le terme générique pour femme/fille dans ma vie. Chacune spéciale à sa façon tout de même.

Comments:
J'adore ce que tu écris ici. Rien de plus à dire, sinon que je compte revenir faire un tour, assurément.
 
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