Le pragmatique romantique

Ou l'inverse.

2005/10/13

 

Devoirs, héritage et idéaux

Auparavant, les devoirs de la vie étaient mes ennemis. Devoir. Être obligé. Ne pas avoir le choix. C'était le contraire de la liberté que je désirais, mais c'était pourtant le mode courant de ma vie. Les parce que je suis obligé. Les j'ai pas le choix. Je ne comprenais pas pourquoi je devais me battre avec ça. C'était un domaine de ma vie trouble, une bataille constante, perdue d'avance en plus. La raison première de la difficulté de ma séparation était sur ça. J'étais (faussement, aujourd'hui c'est facile à dire) convaincu que le bonheur de mes enfants résidait sur un idéal de famille que j'avais tenté de construire avec leur mère. Un jour, un ami à moi, quelqu'un d'une sagesse que je reconaissait plus grande que la mienne, m'a déclaré que ma relation était toxique.

Cet homme, il pesait ses mots. C'était celui qui accompagnait la potentielle reconstruction de mon couple, comme thérapeute. C'était un homme pragmatique, intellectuel mais à l'écoute du sens émotionnel, à qui je devais beaucoup de respect pour sa perspective neutre mais tout de même affirmée. J'avais confiance en lui et la mère de mes enfants aussi. Pas une confiance aveugle. Une confiance basée sur ses actions concrètes des deux dernières années. Cet homme, dans son rôle officiel était pasteur d'une église évangélique à Rosemère. Ce n'est pas un pan de ma vie que j'expose beaucoup, mais c'est un héritage culturel, intellectuel et moral qui est important pour moi.

Je dois vous partager ça ici, ne serait-ce que parce qu'aujourd'hui, l'évangile et le christiannisme, c'est vachement under-rated. Je n'étais pas un dévot ou une brebis idiote. J'étais (et je demeure) complexe. Mais dans toutes les options philosophiques auxquelles j'étais confronté, j'ai su apprécier le pragmatisme du christiannisme évangélique. Pas celui du catholiscisme Québecois. Pas celui de la droite américaine (eurk!). Celui des hommes et des femmes qui portaient, au quotidien, des valeurs d'amour, d'entraide, de charité et de solidarité. Un grand pan de culture jetée avec l'eau du bain dans la révolution tranquille. J'ai même étudié en théologie, c'est dire. Des philosophes peu connus mais pertinents. Schaeffer. Bonhoeffer. Frutenbaum. Et Laurin et Houde (désolé pas de bons liens, mais ce sont des penseurs chrétiens québécois modernes). Pas des noms glamour, mais des hommes qui ont poussé la réflexion (et des femmes, mais de mémoire ça ne me vient pas, zut!).

Je dois dire qu'aujourd'hui, mon défi quotidien c'est d'intégrer cette pensée au courant global, mondial et moderne de la vie. Je dois dire que je ne m'appuie pas sur ce que j'ai appris d'eux de manière absolue. Je dois dire que certains des idéaux que ces hommes ont porté ne se sont pas réalisés dans ma vie. Je garde un esprit critique. Je me pose encore beaucoup, beaucoup de questions. Je sais que la vérité, c'est un concept très dangeureux. Je sais que les absolus ça construit *et* ça détruit. Je dois dire que parfois, des fois, j'ai été déçu. Mais en toute intégrité, je dois reconnaître que mon héritage judéo-chrétien est beaucoup plus riche que ce que la société qui m'entoure voudrait me faire croire. Ceci n'est pas une confession de foi, je demeure homme de peu de foi, malgré moi peut-être. Je demeure un intellectuel sans repos, un philosophe qui refuse la facilité. Un curieux insatiable. C'est pour ça que je sais reconnaître cet héritage sans le prendre pour acquis ou futile. Pas un sujet facile, j'avoue.

Mais de la facilité, j'ai pas envie. Et puis, j'ai soif. J'ai toujours eu soif. Je cherche les sources. Pas d'un idéalisme vide. Ma quête du bonheur n'est pas théorique. J'ai trois enfants à qui je veux transmettre la joie de vivre, le plaisir d'être et la douce incertitude du quotidien. C'est lourd parfois. Comme les devoirs d'école hein? Vous savez pas ça, mais en même temps que je fais toutes les choses qu'un gars comme moi doit/peut faire, je fais aussi ma 3ème, ma 4ème année et mon secondaire 1! Super enrichissant. Je retourne aux bases de la grammaire. À la mathématique des fractions. À l'espagnol (ma fille est au programme international, quelle plaisir!).

Et tout ça ce n'est pas théorique. C'est d'apprendre à mon fils que marcher sous la pluie cet après-midi, c'est notre choix de savoir si c'est pénible ou c'est joyeux (ce fut joyeux, on a même essayé de souffler sur le parapluie pour s'envoler!). C'est d'apprendre à mon autre garçon que de faire ce qui est responsable, c'est agréable, aussi. C'est d'entendre ma fille me déclarer que ça va mal dans le monde mais que une chance que sa génération est en train d'être formée pour sauver le monde! Ça me fait sourire. Ça me fait réaliser que je suis très privilégié d'avoir du temps avec mes enfants, même si c'est difficile parfois de tout faire ce qu'il y a à faire. Mais aussi d'avoir du temps sans eux, ce que plusieurs parents monoparentals n'ont pas (je devrais écrire mères monoparentales ici, mais ma rage envers les pères absent, c'est pour un autre billet).

Je vis des choses diffiles et troublantes. Je vis des choses merveilleuses et enivrantes. Je vis la vraie vie. Je dois garder ça en perspective. Et j'ai beaucoup de respect pour les hommes et les femmes qui font face à la musique, avec les moyens qu'ils ont, et qui prennent leurs responsabilités. C'est d'une gloire humaine touchante. Pas du sentimentalisme à la gomme là. Les héros d'aujourd'hui, il ne sauvent pas des villes des vilains interplanétaires. Ils se sauvent d'eux-même. Ils ont appris que la vie est imparfaite. Et ils/elles refusent avec obstination démesurée de baisser les bras et d'abondonner. Hey, c'est facile pour personne. Non, sérieux, c'est faux toute cette facilité. Manifeste de la complexité assumée ce soir. Manifeste de la difficultée réalisée. Manifeste des idéaux déchus. Manifeste de la vraie vie, dans le gris.

Le vrai devoir, c'est celui de répondre à ses propres convictions, tout en sachant reconnaître ses imperfections.

Comments:
Je ne voudrais pas reprendre chaque petits points, pour dire mes commentaires. Donc, je vais dire que c'est 'profond' (dans le bon sens du terme). Mais bon, je réfléchis souvent sur les notions de 'devoir' et de 'choix/liberté' tard le soir.. Est-ce que je dois vraiment faire quelques choses, où est-ce que je décide que c'est primordial et je choisis de le faire avant tout? Je subis les obligations où est-ce que j'ai choisi, par le chemin emprunté auparavant, de le subir?

Théorisez la vie et mettez la en pratique, pour se rendre compte à quel point on peut se tromper.
 
T'as pas honte de me faire réfléchir comme ça ce matin, toi? ;)
 
Touché. Très juste. Très inspirant.
 
Merci de livrer ces pensées justes et touchantes de vérité. Tu me donnes envie de répondre sur mon carnet avec un billet sur la spiritualité qui es tabou chez les intellectuels. Au risque de me faire taxer d'ésotérique (socialement vu comme une insulte pour une diplomée de deuxième cycle). Tu touches là un sujet fondamental.
 
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