Le pragmatique romantique

Ou l'inverse.

2005/09/03

 

Juste un peu de désordre et des petites patates grillées

J'ai l'humeur intérieure comme l'intérieur de ma demeure. Juste un peu en désordre. Exactement le genre de désordre qui faisait freaker mon ex. Parce que c'est du petit désordre répandu partout. Ça à l'air pire que c'est réellement. Mais en me levant ce matin, mon oeil n'a pu s'empêcher de s'accrocher sur tous ces détails. Pile de linge à mettre au lavage. Dessus du bureau avec des papiers et livres désordonnés. Jouets éparpillés sur le plancher de la chambre des gars. Salle de bain avec serviettes partout, poubelle pleine, lavabo meurtri des traces de pâte à dents de la meute (au moins je sais qu'ils ont brossé leur dents).

Comptoir de cuisine avec Nutella, beurre d'arachide et confiture qui se répandent. Miettes de pains saupoudrées sur le mélange. Un lavabo de vaisselle propre (mais encore dedans, pour que ça sèche) et un de vaisselle sale, à faire, un moment donné. Le divan avec un coussin... quelque part. Deux couvertures qui traînent sur le plancher. Deux piles de vêtements à plier. Des assiettes sur la table du salon (on ne mange pas dans le salon, pour la xième fois!)

À chaque matin, quand on se levait et que les petits avaient été debout avant nous, on ne dormait pas vraiment on écoutait d'une oreille, mais on ne faisait pas rien d'autres que les parents font les samedis matin derrière la porte close, plus depuis plusieurs mois avant notre séparation, à chacun de ces matins avec la maison en désordre, il y avait une crise. Et une hyperactivité qui s'ensuivait. Pas moi. Pas ce matin. Pas ces matins de jadis (si, parfois, pour l'appuyer, mais sans conviction).

Pas parce que j'aime le désordre. Mais je n'ai pas cette obsession de l'ordre à tout prix, au dépends de la paix. Ce matin, je voulais la paix. Alors le mécanisme en moi, le cépagravisme, opère à plein. Les enfants jouent à des jeux trop bruyants au sous-sol. Est-ce que je vais gueuler après eux? Ça serait tentant pour avoir la paix. Mais ça produirait l'inverse. Même chose pour le ménage obsessif-compulsif. Ça donne l'impression de régler la situation, mais ça cause des dommages importants.

Alors, oui, d'ici la fin de la journée, d'ici à ce que ma tête touche mon oreiller, la maison sera en ordre. Juste assez en ordre. De toute manière, ça sera à recommencer demain. Alors mon objectif quotidien c'est propre, très important, et raisonnablement en ordre, c'est plus agréable comme ça, c'est vrai. Il y a aussi les tâches plus importantes. Terminer de peinturer le fer forgé. Faire le gazon. Trouver/éliminer le nid de guêpes, elle pullulent, deux dans la maison ce matin. Faire le lavage au complet. Aménager la nouvelle chambre de mon grand fils. Faire un méga ménage du sous-sol. Et pleins d'autres.

C'est la même chose dans ma tête. J'ai plusieurs petits soucis à résoudre. Rien de grave, deux heures et on aura passé au travers. Probablement en même temps que je vais faire le ménage de la maison. Fermer les "boucles ouvertes", les petites idées qu'on a pu conclure dans les derniers jours parce que trop occupé. Des niaiseries, mais ça fatigue. Des broutilles, du genre, c'est quoi déjà que je m'étais dis que je devais acheter pour l'école. Il manque de moutarde aussi. J'ai un livre à terminer, commencé il y a plus de deux semaines, chercher le vent. Des affaires de même.

J'ai aussi d'autres sujets qui me préoccupent un peu plus. Exactement le genre de réflexion à faire quand on fait quelque chose de long et plate. Comme peinturer la rampe en fer forgé ou tondre le gazon. Quand je trouve ça trop plate je me dis qu'au moins ça me sert à réfléchir. De ces grandes questions, trop grandes pour une seule séance de réflexion mais trop importantes pour ne pas les commencer. Par rapport à mon travail, qui me fascine et m'allume mais qui aussi m'épuise et me tiraille.

Par rapport aux ententes que j'ai avec mon ex et le rapport que nous entretenons ensemble. C'est compliqué. Pas compliqué comme dans l'amour compliqué. Non, ça c'est une autre réflexion. Compliqué comme dans quel est le rapport juste. Comme dans qu'est-ce qui est raisonnable au niveau du support. Qu'est-ce que je dois lui répondre quand elle me dit qu'elle se sent seule, qu'il lui manque quelque chose? Elle a pourtant un gars vraiment bien dans sa vie depuis presque un an. Pourquoi elle me pose cette question là?

Je pense que je sais pourquoi, mais je ne sais pas quoi faire avec ça, parce que ça me trouble aussi. Parce que ce qu'elle me dit, c'est que nous deux on a perdu la paix qu'on avait, et qu'on sait très bien que ce n'est pas ensemble qu'on la retrouvera et qu'on se demande si un jour on va la retrouver.

Après avoir vécu 10 ans en couple, très heureux et dévoués la majorité du temps, étant là l'un pour l'autre dans toutes les situations, la solitude ce n'est pas de ne pas avoir d'amies, de chums, de rencontres, d'aventures. C'est agréable tout ça mais ce n'est pas assez. On peux s'approcher, trouver l'affinité, la complicité, les rires, porter les pleurs d'autres, par compassion intéressée. On peux s'approcher d'une autre et craindre de ne jamais aller plus près, pour ne pas perdre ce qu'on a trouvé, au détriment de cette proximité.

J'ai tout ça dans ma tête depuis quelques semaines, je me demande, sans vraiment avoir de quête pour la réponse, le processus me semble plus important que la destination finale. Quand je suis stressé, fatigué, triste, j'aurais besoin d'une main dans mes cheveux, d'un doux sourire qui me dirait, ça va passer, tu sais bien. Et je pourrais esquisser un demi-sourire en retour et fermer les yeux. J'ai encore plus envie de la contrepartie, beaucoup plus, ça fait partie de mon caractère. J'ai envie de soutenir, guérir, sourire, accompagner tranquillement et avec détermination celle que j'aime.

Alors, pour répondre à la question, qu'est-ce qui manque à mon bonheur, je dois avouer que la réponse de Matthieu à prime abord m'avait semblé à côté de la track. Mais c'était simplement une question de framer la réponse correctement. Il avait vu juste. Ce qui manque à mon bonheur, ce sont des petites patates grillées. Préparées le matin à la cuisine avec celle que j'aime. Moi je m'occupe du café et des toast, ok? Tu sais que j'aime mes oeufs tournés mais pas trop cuit. Pas besoin de te le mentionner. Du jus d'orange frais. La Presse du samedi dévorée ensemble, tu lèves les yeux de temps en temps pour me poser une question ou m'envoyer un regard complice. J'opine sur les chroniques, je blog des commentaires en direct.

C'est tout ça que je rumine. Tout ça. Mais aussi, rien que ça. Parce que je suis serein avec tout ça. J'ai apprivoisé tout ça dans les deux dernières années. Je sais qu'il est possible que je passe le reste de ma vie seul. Ça se pourrait. Ce n'est pas ce que j'espère. Ce n'est même pas que je pense que je ne peux pas rencontrer une femme qui sera à ma mesure comme je serais à la sienne. Je sais que c'est possible. Ça oui. Mais ensuite?

Ensuite comment ne pas se faire ronger par les petits désordres de la vie? Comment porter au quotidien mes élans d'absolu sans écraser celle qui m'aurait fait confiance pour partager sa vie avec moi? Comment celle qui partagerait ma vie pourra apprivoiser ces fois ou mon cépagravisme risque de lui taper sur les nerfs? Comment pourrais-je lui faire comprendre que je n'ai pas d'attentes, avec un "A" majuscule, autre que celle qu'elle soit là pour moi et moi pour elle? Quand ça va bien, quand ça va mal, quand ça va neutre aussi.

Ça ne m'inquiète pas trop, j'ai toute la vie pour y penser, je ne pense pas qu'il y a de réponse définitive, vraiment. Il y a peu d'absolus dans la vie, je sais ça, au moins. Et je ne suis pas pressé. Et je suis souriant, ce matin, parce que sérieusement, qui voudrait d'une tête complètement vide de tout soucis? En tout cas, moi je ne voudrais pas d'une femme qui cherche ça! Les imperfections et les variations, c'est ça qui rends la vie intéressante.

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