Après le cinéma j'ai décidé de revenir à la maison. Je suis dans mon sous-sol de banlieue sud, dans un vieux lazy-boy brun entouré de murs de stucco avec des fausses briques en plastiques. Eurk. Au moins j'ai de la bonne musique dans les écouteurs, le laptop sur les cuisses.
J'ai eu un message sur mon cell pendant que j'était plongé dans les histoires arrangées du ciné, pas une bonne nouvelle. Pas si grave, mais le genre d'appel qui fait comme un coup de batte de baseball en plein ventre, qui fait réaliser des choses. Trop de choses. Mélangées. En même temps. Réflexions à 200 milles à l'heures dans ma tête pour ma marche du cinéma jusqu'à ma résidence secondaire.
Elle a eu un accident de voiture. Rien de grave dit-elle. Épaule cassée, coupures multiples. Sa fille est indemne. Mais ça m'a coupé les deux jambes. Merde, et si? Si cet accident avait été fatal? Si je n'avais jamais reçu ce coup de fil, mais appris autrement qu'elle n'était plus? Une partie de moi me dit "faut pas penser à des affaires de même". Une autre lui répond "non, justement, penses-y, c'est important". Je suis toujours pris avec mes multiples moi-mêmes qui s'astinent dans ma tête. Au moins j'ai appris à garder ça à l'intérieur. Et j'ai eu chaud. Et peur.
J'était content d'entendre sa voix. Elle avait de la difficulté à parler sur mon répondeur. Merde. Comment j'ai pu manquer un tel appel? J'ai eu la faible consolation de SMS échangés brièvements par la suite. Nous nous étions parlés par répondeurs interposés avant son départ vendredi, elle avait envie d'entendre ma voix ma je dormais, c'est mon répondeur qui lui avait répondu la réponse. Triste. J'ai écouté ce message quelques fois, pour l'entendre rire et me dire de jolies choses que je garde pour moi. Ça aurait pu être le dernier souvenir que j'avais d'elle.
J'avais plein de chose à vous écrire, mais je n'arrête pas de penser à ça. Je vais aller me coucher dans mon lit pour ne pas dormir maintenant. Je vais aller projeter mon cinéma à moi sur le plafond de ma chambre d'ado retrouvée. Je vais aller arpenter mes couvertures de droite à gauche, gauche à droite, encore. Je vais aller ne pas dormir en paix. Je n'ai pas sommeil mais pas envie d'aller ailleurs que dans mon lit. Si en fait, dans ses bras, mais elle a l'épaule cassée et elle est un peu loin.
Je suis pathétiquement en amour je pense. Mais j'assume. Comme toujours. Je pense que je suis irrécupérable. Mon cynique à perdu, c'est le romantique en moi qui triomphe ce soir. Ce n'est qu'une bataille, pas la guerre. C'est ça que je me dis.