Le pragmatique romantique

Ou l'inverse.

2005/05/21

 

Gate J10. Maudite porte J10.

Ce texte est écrit dans le cadre des Coïtus Impromptus. Aucune idée s'il va être publié. Mais ce fût intéressant quand même. Le voici.

Gate number J10 (Rubyjam)

Encore ici. Pas grave. J'suis habitué. Valises, passeport, sourire à la p'tite madame au comptoir. Oui c'est ça. Voyage d'affaire. Yes Madam. No Madam. Merci. Direction les douanes, maintenant que mon billet est effectif. Encore. Ça use un peu ces trucs. Ça use beaucoup mais je ne le sais pas encore vraiment. Je pars de nouveau. Avec quelques collègues mais seul. Pour la gloire de la bulle internet mais seul. Merde. Quand même. 1999. Belle année. Année disparue en fumée. Année brûlée par les deux bouts. Consécration, fuite vers l'avant et déchéance. Tout en même temps. Et ce style télégraphique à la MSN qui me colle au clavier. C'est pathétique!

Je ne sais pas vraiment comment je me suis rendu là. Je ne sais pas vraiment quand est-ce qu'on s'est perdu. Je ne sais pas vraiment grand chose... Ce que je sais c'est que mon ego est nourri. Engraissé. Comme un animal qui sera abattu, bientôt, pour les boustifailles de la grande fête. Ego idiot qui s'empiffre en vue de se faire trancher la gorge. Quel con cet ego. Si ce n'était pas le mien je m'en débarrasserais subito presto. Douane. Yes sir. No sir. Rien à déclarer, mon ego ne vous intéresse point. Mes valises sont vides mais pleines de costumes de clown qui fait des affaires avec des américains. Des chemises. Pas de cravates quand même, je suis un geek de première moi Sir! Donc un laptop aussi. Cutting-edge. Slim et puissant. Avec Linux même. Si ma vie était aussi facile à gérer que mes patches de sécurité. apt-get install wifemanager. emerge sync mavie. urpmi le bonheur. Pourtant je le savais. C'est pas comme si j'avais eu le virus sans le savoir. C'est moi qui avait planté la seringue dans mon bras. Tout seul. Volontairement. J'ai bouffé la pilule rouge quoi. J'ai fraggé ma vie, tout seul. Je ne peux même pas écrire que c'est un accident. Le réseau m'a appelé. J'ai répondu. J'ai plongé. J'en ai perdu mon français, you know what I mean? J'en ai perdu ce qui était important, is that right? Quand t'aura fini d'écrire ton roman internet, je pourrais jouer sur ton ordi, de demander mon fils qui clash mon réel et mon irréel subitement?

C'était pourtant simple. Je l'aimais. Pour de vrai(tm). J'avais envie d'absolu. D'éternité. D'engagement. Alors je lui ai fait mon test ultime d'adolescent en phase terminale. "Je veux des enfants". "Plusieurs". D'habitude c'était suffisant pour les faire fuir après quelques jours. À 19 ans, c'est compréhensible non? Mais non. L'espèce. Je la voulais tellement que je me suis dis que j'étais pour la chasser avec la vérité des mes grandeurs. Elle a acquiéscé. Avec un sourire meurtrier. Elle me possédait. Et l'inverse. C'était un fair deal. Alors nous nous sommes projetés vers l'avenir, tout de suite. Amour. Sueurs. Baises. Intensité. Jouissances. Souvent. Longtemps. Encore. Soudain. Et le réel est venu renontrer l'idéal subitement. Je suis enceinte. Oui. C'est ça qu'on voulait non? Oui. C'est une bonne nouvelle non? Oui. C'est pas un peu bizarre à 21 ans? Non. C'est correct. On a toujours été marginal non? Oui.

Le quotidien à cette capacité de rattraper l'idéal si rapidement. Surnoisement. Et de l'assassiner silencieusement. Lentement mais sûrement. Schling. Zang. Bang. Mort. Mort. Mort de l'idéal. Budget et couches et épiceries et créanciers et salaire qui disparait comme dans un déchiqueteur de papiers trop importants. Années qui passent et qui coulent de l'eau sous les ponts. Amour pourtant. Et bonheur simple. Et joie réelle. Et simple plaisirs. Mais mon ego qui me guette et qui m'assaille. Et le sien. Diantre. Si au moins nous n'en avions qu'un à gérer. Et je l'aime. Et elle m'aime. Mais nous allons nous échoir sur le quotidien qui pèse tellement trop lourd. Et suite à ma fille mon premier fils. Et un autre. Trois. Trois. Trois. Magnifiques et pleins de promesses de bonheur. Présent. Futur. Ou suis-je? Ah oui, à la gate J10. La foutue porte vers le meilleur. Aéroport Dorval. Heureusement pas encore Trudeauisé. Ironie quand même, c'est le nom de fille de sa mère Trudeau. Le cousin de l'autre. Va savoir que mes visions séparatistes ne sont pas bienvenues au party du jour de l'an. Mais bon. C'est pas de ça qu'on parlait là. La foutue porte J10. L'estie de porte J10. Dieu m'en soit miséricordieux, mais esti que je l'haïs cette porte là.

Porte de mes départs vers un avenir meilleur pendant la bulle. Porte de notre départ vers la Californie pour y travailler un an, afin de "se retrouver". Hehe. Quel mensonge. Bien sûr. C'est trop évident que le nous-même que nous tentions de fuir nous a suivi. Alors échec. Encore cette maudite porte J10 quand elle est revenue avec les enfants en décembre après cette année en Californie sans promesses concrétisées. En hiver. Avec 30 centimètres de neige à l'arrivée. Les larmes. Le désespoir. Moi sur la route en camion avec mon frère à transporter nos avoirs qui seront séparés 50/50 à l'amiable tellement pas longtemps après. Elle a pleuré au retour. De rêves pas accomplis. D'espoirs déçus. De mon incapacité à faire de nos rêves des réalités. Et je pleure aussi. Encore. J'ai peur de faire des courts-circuits dans mon clavier. De bousiller mon texte que j'écris. Mon esti d'ego! Elle s'est rapidement retrouvée dans d'autres. Des pas comme moi. Des latinos. Des africains. Des étrangers ici. N'importe qui sauf des imbéciles de nerds québécois à l'ego trop enflé. Et j'ai un peu arrêté de partir par cette porte maudite. Éclatement de la bulle oblige. Je me suis concentré dans l'ici. Et bonheur parmi les malheurs, j'ai retrouvé mes enfants. Heureux qu'ils aient été trop jeunes pour haïr mon ego destructeur. Heureux qu'ils soient encore en paix sans savoir que ces mots font rendre flou mon écran sous les larmes. Heureux que la vie m'ait épargné leur amertume, à cause de leur jeune âge.

Alors j'écris ces mots. Mes garçons au salon et ma fille chez sa mamie. Parce que maintenant des grand-mère ça n'existe plus, boomers en transe oblige. Alors maintenant je me remémore des conneries et je ne regrette plus celle qui est la mère de mes enfants. Mon ego est bien risible. Je projette mes mots ici pour me faire croire que j'existe un peu plus. Je me souviens de toutes ces fois ou je suis parti.

Je me remémore toutes ces fois ou je ne l'ai pas trompée avec une autre femme, mais ou mon ego avait pour maîtresse l'ambition et la gloire.

J'aimerais vous faire croire que je ne la pleure plus. C'est vrai que maintenant je vis avec mes trois flots la moitié du temps, ce que j'espérais. Que le malheur de notre séparation à réussi miraculeusement à préserver le père qu'ils avaient besoin, que j'ai réussis à renaître pour eux. J'aimerais vous raconter l'histoire de mes gloires et de mes conquêtes, du business model qui réussit, du venture capital qui prospère, du nerd qui triomphe, mais non. Mais non. Pourtant. Pourtant. J'ai envie de vous raconter comment les échecs du passé peuvent porter les espoirs du futur. J'ai envie de vous raconter comment il ne faut pas se laisser assassiner par ces erreurs de la jeunesse. J'ai envie de vous écrire comment cette porte de la mort est devenue espoir de futur sans gloire mais rempli de bonheur. Estie de gate J10. Je la déteste. Je l'aime. Parce que je ne peux pas l'éviter. J'aurais aimé. Après plusieurs années de désise. Après tant d'amertume. Après tant de futur conditionnel.

Quand même. Voyage pour New-York jeudi prochain. Oui. Exactement. Porte J10. Ça veux rien dire. Hein? Ça veux rien dire!! Et cette douce qui me fais des SMS de son désir. Ça veux rien dire, hein!? Je peux partir sans tout gâcher, n'est-ce pas? Je peux poursuivre mes rêves sans me suicider, non!?

J10. Ça me fait chier.

Je pars quand même.

Mais j'ai peur.

Mais je pars. Parce que je n'ai pas le choix. Et je vous écris.

Pour la même raison.

Comments:
Tous les textes sont publiés Sylvain, aucune censure sur le Coitus :o).
 
En effet, c'est maintenant publié. Merci. Je pense que je vais recommencer ça à l'occasion...
 
Ce serait une bonne idée. Parce que c'est un très bon texte.

Ce qui m'a permi de te découvrir.
 
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