Le pragmatique romantique

Ou l'inverse.

2005/04/10

 

Chronique d'une mort annoncée

En lisant le texte d'Isabelle sur son processus psychologique de séparation ce matin (ce n'est pas ainsi qu'elle le nomme, c'est ma perspective) j'ai eu envie de lui écrire une courte réponse sur son carnet. Mais après une longue réflexion de 32 secondes, il était clair que c'était innaproprié de m'emparer de son espace pour commenter d'une manière très personnelle (c'est une question de respect mutuel) et que j'avais besoin d'un peu de recul moi-même. J'ai déjà employé cette affreuse expression que, par faute de meilleur raccourcis de la langue, j'en suis venu à nommer "processus de séparation" au cours de certaines de mes discussions avec elle, je voulais tenter d'appliquer ma théorie à ma propre situation plutôt que de commenter celle des autres. Je sais ce qu'elle pense des théories, disons alors que c'est plutôt mon état d"âme sur mon expérience personnelle que je partage ici... Merci à google qui me rappelle que personnelle ça prends deux "n". Comme rappelle prends deux "p". Je ne sais pas pourquoi, mon cerveau me dis toujours qu'un mot avec double double consonne ça ne fonctionne pas et je doute toujours de l'orthographe de ces mots. Même si à chaque fois je me dis que pourtant c'est évident et que je devrais m'en souvenir. Tiens, c'est tout à fait parralèlle au processus de séparation comme réaction ça! Et parralèlle, peut-être parce qu'il pourrait avoir trois consonnes double, je n'ai aucune difficulté à remémorer son orthographe à chaque fois.

Alors oui. Je l'ai aimée. J'en ai déjà raconté un peu à ce sujet là. Vous savez ce qui est très chouette dans le roman échecs amoureux et autres niaiseries de Matthieu Simard? C'est qu'il y a tout plein d'hyperliens partout dans le livre. Ils ne sont pas soulignés et on ne peut pas cliquer dessus mais ma cervelle hyperliée, déformée par tant d'années d'internet (1/3 de ma vie maintenant, et cette proportion ne va qu'augmenter) s'est fait un régal de la forme dans laquelle c'était écrit. Je sais, c'est un peu fatiguant ces appartées, parenthèses et disgressions mais c'est mon style à moi. Pas que je me réclame un style ou rien, c'est tout le temps comme ça dans ma tête. Alors je ne fais pas trop d'efforts pour minimiser ça même quand j'écris, c'est "plusse othentique" de même. Mais c'est correct, je ne perds jamais le fil conducteur, même après détours, parenthèses et hyperliens. J'ai des tabs, des bookmarks et un history même dans ma tête. Ok, je ferme les tabs "un browser dans ma tête", "mon style d'écriture / j'ai plein de voix dans ma tête", "échecs amoureux et autres niaiseries" et "cette fille là". Je suis presque à veille de vous expliquer que je suis geek et fier de l'être mais je vais me retenir. De toute façon si vous voulez vous en convaincre c'est pas ici que je vais en faire l'étalage, c'est là-bas. Non mais c'est quand même relié que je parle de ce livre là. Ça fait partie de ma trilogie post-séparation en lecture. Je vous parlerais deux deux autres bouquins une autre fois. Sachez seulement que celui-ci était la conlcusion.

Attendez je reviens je vais me faire du café (...) ok, donc, de retour. Ce qui est difficile au début c'est de marquer la ligne ou ça commence à finir. J'ai résolu finalement que ça n'existe pas cette ligne dans ma vie à moi. En fait, celle que j'aurais voulu connaître c'est celle dans sa vie à elle. Et ça ne fonctionne pas comme ça. Il n'y a pas de ligne. Juste une série de tourbillons. Quand elle veut me faire chier maintenant elle me dit : "quand tu disais que tu m'aimerais pour toujours tu me mentais". Aarrgh! Bien sûr que non. Quand je l'ai rencontré, à 19 ans, après 3-4 années très orageuses de ma vie (j'étais tellement con pour un gars avec un QI si élevé, mais ça c'est encore un autre billet!) je voulais aimer une femme pour de vrai. J'avais vécu mes trips déjà, j'en avais été insatisfait. De moi surtout. J'écrivais à l'époque dans un de mes poèmes ancien préféré (que j'ai perdu, j'étais con je l'ai déjà dis), "si j'enleveais le masque vous ne verriez que transparence". J'étais déçu de moi. Pas de la vie ou du monde, de moi. C'est à cette époque ou le spleen de Baudelaire n'était pas qu'un concept pour moi, c'était vrai de vrai. Alors Elle. Oh que si. C'était tout ce que j'aimais des femmes/filles (19 ans c'est un peu des deux encore). Présidente de la radio étudiante. Tous les mecs diffuseurs était à ses pieds. Pas moi. J'étais à ses yeux. Elle a bien aimé ça je pense. On s'est courtisé pendant 6 mois, intenses. À l'impro ou je jouais dans l'équipe étoile, elle était coach. Une leader née. Au théâtre que je lui avais dis ne pas aimer jouer et elle ne m'avait pas cru. Elle avait raison évidemment. En littérature Québecoise avec Alex (et son légendaire étui de crayon rose). Je me souviens du prof, qui nous avait fait une remarque à la sortie du petit party des langues et lettres du cégep, "amusez-vous bien!". Je pense qu'il était un peu jaloux. ;-)

Et en plus, elle avait passé mon test ultime (à part être allé passer une soirée à la nausée avec moi pour danser, pour les plus jeunes, la nausée c'était comme les foufounes électriques, c'est maintenant le loft qui est dans ces locaux). Moi je voulais des enfants. Tout de suite. Plusieurs. Elle a trouvé que c'était une bonne idée. C'était la meilleure décision de ma vie. Alors on s'est embarqué dans la vie à 200 km/h. De toute façon, on ne connaissait pas d'autre vitesses. Et tout est allé très vite, comme de raison. Nous avons conçu Raphaëlle quelques mois après que nous ayions commencé à être ensemble. Nous avons déménagés dans un appartement à Châteauguay durant sa grossessse, parce que c'était entre Valleyfield ou notre session s'achevait et Montréal ou j'irais étudier l'année suivante. Elle a décidé de faire une pause dans ses études quelques années. Nous nous sommes même mariés, à la stupéfaction générale. Je voulais ça aussi, il me semblait que c'était la bonne chose à faire, sceller ma promesse devant Dieu et les hommes. Sérieusement. Et pas dans une église catholique, dans une église protestante-évangélique, parce que je trouvais que ces gens là avaient une meilleure balance de vie (entre autre les pasteurs étaient mariés, ce qui selon moi donne une meilleure perspective pour les cours de préparation au mariage que celle des prêtres célibatiares à vie). Je l'ai embrassée pour la première fois le 23 décembre 1991. Au bar chez maurice, dans le temps ou smells like teen spirit faisait même danser ceux avec des bottes de cowboys (moi j'avais mes docs 14 trous, j'étais le freak de la ville). Raphaëlle est née le 2 juin 1993 (à ma fête). Notre mariage a eu lieu le 2 juillet 1994. Et non, pour les curieux, même à mon mariage je ne portait pas de cravate. J'avais un veston médiéval (dans le temps que excalibor c'était juste au vieux port et une toute petite boutique) et une chemise blanche à col mao pour aller avec ça. J'ai résisté à l'envie de mettre mes docs pour la cérémonie. Et je l'ai aimée. De tout mon coeur. Au travers les joies, les peines, la maladie, les accouchements, les semaines ou la paye était à peine suffisante pour faire l'épicerie. Dans les grandeur de notre année en californie ou on a déménagé toute la famille pour partir explorer le monde un peu. On est resté ensemble pendant plus de 10 ans. Combien de temps exactement, c'est ça qui est difficile à dire. Je vais tenter de consacrer mes prochains paragraphes à cette chronique d'une mort annoncé. Par que même s'il n'y a pas de ligne précise, il y a tout pleins de moment marquants.

De la fin de l'adolescence au début de la trentaine, il s'en passe des choses. Et des états d'âmes. Des espoirs, des déceptions, la définition de soi, des autres, l'affinement de notre perception du monde. Et on s'est perdu en chemin quelque part. Même le mariage était à remettre en question. "J'étais trop jeune", me disait-elle. Par contre nous n'avons jamais remis en question la naissance de notre fille et le désir de l'avoir. Mais je travaillais trop. J'étais dans un milieu en ébulition. Je devenais rapidement très apprécié et reconnu dans mon travail. J'étais passionné, fiable, tenace, persévérant, fonceur, curieux, autodidacte, et autres. Isabelle avait décidé de rester à la maison plus longtemps, pour la naissance de Jacob et Benjamin. Quand nous sommes partis en californie en 2000, c'était déjà la fuite par en avant. L'amertume se mêlait déjà à la joie, et nos moments tendres étaient moins fréquents. Cette année (même pas 12 mois en fait) fut charnière. Ce qui était sensé nous rapprocher, en nous isolant du quotidien n'a pas réussi à changer ce qui au fond était en nous, pas autour. À cause des enfants on se disait qu'on finirait bien par trouver une façon de préserver notre famille. Parce que notre couple on y croyait déjà plus. Mais nos enfants si. On voulait les préserver même si on se perdait. Au retour, nous avons placés les garçons en garderie et Raphaëlle à l'école de notre nouveau quartier, à Bois-des-Filion. Petite ville tranquille, parfait casting pour le scénario qui allait suivre. Mon identité profonde était en crise. Depuis 10 ans je me définissait comme jeune homme, père, mari fidèle et attentionné. Tout ça ne semblait rien avoir donné finalement. Je ne voyais pas très clair, je mélangeait tout, tout allait mal, ce qui était faux. Et c'est quelques mois après notre retour de Californie que les choses ont commencé à empirer. C'était peut-être là, le début de la fin. En fait les racines étaient de beaucoup plus loin que ça.

Elle a eu une aventure. C'était un peu prévisible. Mais ça m'a fait tellement mal. C'était l'enfer. J'étais trahi. En fait, avec le recul, je ne suis plus certain si elle s'était sauvée ou si c'est moi qui l'avait fait fuir. Ça m'a fait très mal, parce que même si j'avais eu parfois des idées d'aller me consoler ailleurs quand les choses allaient mal, je ne l'aurait jamais fait. Mais elle oui. C'était toute une déchirure. Ça a duré quelques mois. Elle est revenue à moi. Elle avait compris des choses. Je lui ai pardonné, pour de vrai. Sans rancune. Avec cicatrices quand même, mais je saurais bien les guérir (celles-là elle sont complètement guéries aujourd'hui, c'est pour ça que je peux en parler). On a tenté de reconstruire, de se retrouver, et pour un temps, ça semblait marcher. J'ai compris plein de choses importantes. Comme l'attention que je lui portais. J'ai changé pleins de trucs dans ma vie. Je lui ai demandé de faire de même dans la sienne. Mais quand ça fait 10 ans que tu es ensemble, les vieilles manies sont résistantes. Alors après un an et demi à recoller les pots cassés, ça a brisé encore. Et encore. Et encore. Je ne connaissais plus cette femme. La seule chose qui semblait aller dans sa vie, et que je ne lui retirerais jamais, d'ou elle ne s'est jamais retirée non plus ce sont les enfants. C'est une très bonne mère, dévouée, attentionnée, affectueuse. Mais je savais qu'elle serait mère de son côté et moi père du miens. Jamais plus ensemble. Nous avons vécu l'année 2003 en parralèlle. Dans la même maison. En août, je suis parti rester ailleurs, ironie, chez son frère qui est mon ami, pour quelques mois. Je me suis remis à écrire. Mais j'étais triste. Démoli pas par elle, par moi. Le spleen revenait me hanter, je l'invitais même. En décembre je suis revenu à la maison, entre autre pour les enfants. Nous avons tentés une dernière ultime fois de nous rapprocher. En vain. C'était une étrangère. Ce que j'avais aimé d'elle semblait s'être volatilisé. On s'engueulait dans la voiture même pour la musique à la radio. J'ai vu l'effet dévastateur que ça avait sur mes enfants. C'était toxique aussi pour moi. Pour elle. Pour tous. Et le mensonge. Quelques jours avant noël, elle est partie avec la voiture et j'ai oublié un truc dedans dont j'ai besoin. Je téléphone à Gabrielle son amie, chez qui elle devait passer la soirée. "Sylvain, je pense que tu dois prendre du temps pour discuter avec Isabelle, elle n'est pas ici, on ne s'est pas parlé depuis plusieurs jours". Je raccroche. Elle me téléphone. "Ok, je suis chez Gabrielle, je pense que je vais coucher là". "Non, tu n'es pas chez Gabrielle...". "Écoute, si tu ne me fais pas confiance, ça ne marchera jamais entre nous deux", qu'elle me dit au téléphone. J'ai raccroché. Ça ne marcherait plus jamais.

J'arrête ici, parce que cet évènement est celui ou moi j'ai déterminé que c'était fini pour toujours, que si avant c'était vrai que je l'aimerais pour toujours, dès lors je ne le pouvais plus. Il reste une autre année à mon cycle complet, ça aura pris deux ans, l'année 2003 est maintenant bouclée. Je vous parlerais de l'année 2004 bientôt, quand je volerais assez de temps à autre chose pour l'écrire. Deux ans pour se défaire de 10 ans.

Ironie, quand tu nous tiens. Elle viens tout juste de me téléphoner, à cet instant. On s'est parlé trois minutes. On s'est engueulé au sujet de la peinture pour la chambre de notre fille, dans la maison commune. Pour rien. Elle m'a raccroché au nez. En fait, c'est une bonne conclusion. Je ne m'en déferais jamais complètement, j'ai compris ça aussi. Je dois apprendre à vivre ça. J'ai maintenant des bons souvenirs du passé, mais le présent entre nous est encore lourd...

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